La gratuité des soins de santé à l’Hôtel-Dieu de Québec

15 janvier 2019

L’œuvre hospitalière des Augustines épate énormément les visiteurs du Monastère, notamment lorsque ces derniers apprennent que jadis, la plupart des soins étaient dispensés gratuitement. Au dire des guides-animateurs du Musée, l’origine du financement des soins de santé occasionne d’importants questionnements chez les visiteurs. En effet, comment une communauté religieuse peut-elle assurer des soins sans frais? Dans les faits, il y a matière à nuancer, car certains patients payaient une pension, et ce, selon leur capacité financière. Voici quelques explications autour des frais liés aux soins prodigués à l’Hôtel-Dieu de Québec.

Une page du Registre d’admission des malades à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Québec. 1689-1698. (HDQ-F5-G1,2/1:1)
Fonds Hôpital du Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec
© Archives du Monastère des Augustines

Rembourser ses frais hospitaliers

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les soins sont offerts gratuitement à l’Hôtel-Dieu de Québec. Mais selon l’historien François Rousseau, certaines catégories de malades dépensaient pour leurs soins. En fait, les Augustines invitaient les personnes qui avaient les moyens de contribuer financièrement. Parmi ces personnes, on compte les bourgeois – qui devaient aussi payer pour leurs domestiques ou leurs esclaves –, les capitaines de navires marchands – qui devaient payer pour eux et leurs matelots –, ainsi que les prêtres. Ces derniers avaient d’ailleurs leur bâtiment particulier et ils donnaient ce qu’ils pouvaient ou ce qu’ils jugeaient correspondre à leurs moyens.

Toujours selon François Rousseau, « un règlement de Mgr de Saint-Vallier, en 1725, fixe la pension des prêtres à 50 sols l’hiver et à 40 l’été. Peut-être jouissaient-ils d’un traitement particulier, mais c’est beaucoup plus que ce que l’Hôtel-Dieu reçoit pour d’autres catégories de malades »[1]. Il est  vraisemblable de penser que cette pension contribuait à financer les soins d’autrui en plus de ceux des prêtres. Ainsi, la gratuité des soins concernait principalement les gens pauvres et sans le sou pour rembourser la pension.

Un exemple de salle commune (salle Sainte-Anne), destinée aux patients de sexe féminin. Avant 1912. (HDQ-F5-I1,2/7:1)
Fonds Hôpital du Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec
© Archives du Monastère des Augustines

Hospitalisation de luxe et facturation des soins de santé

Vers la fin du XVIIIe siècle, les soins seront toujours gratuits pour les malades admis dans les salles communes de l’Hôtel-Dieu. Les gens plus fortunés avaient toutefois la possibilité de payer pour accéder à une chambre privée qui incluait parfois un salon. Même un proche du malade pouvait louer une chambre. Cela permettait à l’Hôtel-Dieu de financer, entre autres, les soins des moins fortunés des salles communes.

Au début du XXe siècle, il semble que le séjour à l’hôpital et certains frais médicaux soient facturés aux patients. Le plus vieux Registre de comptes des patients du Centre d’archives du Monastère date de 1915 (HDQ-F5-D3,2/1). Selon l’archiviste Chantal Lacombe, on y trouve des entrées pour la pension, les médicaments, la consultation et la facture du médecin. Elle dit que les frais n’étaient pas repayés environ une fois sur trois. Ces frais étaient d’ailleurs les mêmes pour tous. En 1916, par exemple, la pension coûtait 50 sous par jour et le docteur Simard demandait 25$ en guise de frais chirurgicaux. Toutefois, cela n’empêche pas que certaines personnes s’en tiraient sans frais.

À ce sujet, Chantal Lacombe affirme qu’un jour, la supérieure de la communauté a dénoncé, par lettre, un médecin ayant envoyé une facture à l’un de ses patients qui n’avait pas été en mesure de payer les frais à sa sortie de l’hôpital. La dépositaire aurait alors décidé d’effacer sa dette. Voilà un bel exemple de générosité de la part des Augustines.  Par ailleurs, il semblerait que le Centre d’archives possède des correspondances de prêtres qui défendent l’incapacité des gens à payer pour des frais d’hospitalisation.

Une chambre privée de l’étage Saint-Dominique du pavillon Richelieu. 1931. (HDQ-F5-I1,2/16:1)
Fonds Hôpital du Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec
© Archives du Monastère des Augustines

Contribution royale et gouvernementale

Pour terminer, notons que les instances royales et, plus tard, gouvernementales, contribuaient parfois pour les soins des malades admis à l’Hôtel-Dieu. Par exemple, à l’époque de la Nouvelle-France, le roi remboursait les frais pour les soldats et les matelots de la Marine royale. Quant au gouvernement, on peut lire dans un registre de comptes de l’hôpital, daté d’avril 1841 (HDQ-F5-D2,4/6), que le « Trésor de la province » a donné 100 livres à l’Hôtel-Dieu de Québec « pour le soutien des malades ». Rappelons qu’à cette époque, le système de santé québécois comme nous le connaissons aujourd’hui n’existait pas encore.

Pour en savoir plus sur le financement de l’œuvre des Augustines, lisez « La culture du don: financer l’œuvre hospitalière » et « Gérer les fruits de la terre » sur le blogue du Monastère.

Hugues St-Pierre


[1] François Rousseau, La croix et le scalpel. Histoire des Augustines et de l’Hôtel-Dieu de Québec I : 1639-1892, Québec, Les éditions du Septentrion, 1989, p. 113.