La recherche d’informations : un beau casse-tête archivistique

6 novembre 2018

Le métier d’archiviste peut parfois ressembler à celui de détective. En effet, certains documents d’archives donnent suffisamment de fils à retordre aux chercheurs, notamment lorsque les informations sont éparpillées sur plusieurs documents. Dès lors, une investigation s’avère nécessaire. Pour illustrer le phénomène, voici un exemple simple, mais révélateur, d’une recherche réalisée par les archivistes Audrey Julien et Annie Labrecque. Ces dernières ont retracé le parcours d’une machine à laver à l’aide de lettres écrites par des Augustines au 19e siècle.

Ce texte est une collaboration entre Audrey Julien, Annie Labrecque et Hugues St-Pierre

Poser la bonne pièce au bon endroit

La quête de la machine à laver a débutée à la lecture d’une première lettre signée par sœur Saint-Gabriel, supérieure de l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi. Datée du 13 juin 1884, cette lettre est adressée à sœur Sainte-Ursule, dépositaire de la communauté de l’Hôpital général de Québec. Sœur Saint-Gabriel y émet ses demandes en points de forme. Au point 2, elle questionne sa consœur de l’Hôpital général afin de savoir si sa supérieure, sœur Saint-Joseph, lui a écrit au sujet d’une machine à laver.

Lettre de sœur St-Gabriel de l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi, datée du 13 juin 1884.
Fonds Monastère l’Hôpital général de Québec (HG-A-12.4.2.2.2.3)
© Archives du Monastère des Augustines

Le contexte de fondation permet de croire que l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi avait des besoins en matière de mobilier. De ce fait, il est vraisemblable de penser qu’il s’agissait d’une commande passée auprès du monastère fondateur (l’Hôpital général). Nous savons toutefois que la demande s’est bien rendue à l’Hôpital général de Québec, puisque sœur Sainte-Ursule indique à sœur Saint-Gabriel, dans une lettre datée du 19 juin 1884, l’envoi imminent de la machine à laver : « Vous aurez votre brouette et votre machine à laver dans quelque temps, j’espère que ça ne retardera pas trop ».

Extrait d’une lettre du 19 juin 1884 de sœur Ste-Ursule de l’Hôpital général.
Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi (HDC-F1-C2,2_1_14)
© Archives du Monastère des Augustines

Dans une troisième lettre de sœur Saint-Gabriel, datée du 8 juillet 1884, on peut lire que ladite machine a bel et bien été reçue : « J’ai reçu la machine à laver, merci ». Cette lettre est relativement similaire à la première citée, dans le sens où la religieuse se limite aux faits de base, en passant d’un sujet à l’autre. Par ailleurs, la suite de la lettre parle de la réception d’un coq. Les archivistes ont tenté, en vain, de comprendre la nature de cet envoi. En fait, parle-t-on d’un vrai coq ou d’une girouette? L’avenir nous le dira lorsque le fonds d’archives du monastère de l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi sera traité en entier.

Lettre du 8 juillet 1884 de sœur St-Gabriel de l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi.
Fonds Monastère des Augustines de l’Hôpital général (HG-A-12.4.2.2.2.6)
© Archives du Monastère des Augustines

L’importance du contexte

L’exercice d’analyse et d’interprétation de la correspondance peut  s’avérer difficile, puisque pour les lecteurs contemporains, il manque souvent un élément important : le contexte d’écriture. Pour les auteurs des lettres, le sujet de l’échange est connu et normalement maitrisé. Dans le cas de la machine à laver ou même du mystérieux coq, on ignore certains faits. Nous ne pouvons donc affirmer que des hypothèses sommaires. Du moins, dans ce cas très précis, où nous savons seulement qu’il est question d’une machine à laver et que celle-ci a été envoyée à bon port, c’est-à-dire à Chicoutimi.

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Dans d’autres cas, le contexte est plus facile à connaître. Par exemple, lorsqu’un document d’archives mentionne un événement particulier de l’histoire de la communauté ou du pays (comme dans le cas d’une pandémie ou d’un incendie), il a plus de place à déduction, mais aussi à compréhension.

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Hugues St-Pierre