L’art d’accompagner les enfants et les adolescents avec bienveillance

2 février 2018

Pour développer ce thème si précieux qu’est la jeunesse, nous avons rencontré un de nos collaborateurs, Joël Monzée, directeur en neurosciences. Il est père et beau-père de trois jeunes enfants, directeur fondateur de l’Institut de développement de l’enfant et de la famille, et professeur associé au Département de psychiatrie de l’Université de Sherbrooke.

Propos récoltés par Imane Lahlou.

Joël Monzée
Photo : ICNS
 

En guise d’introduction, ce grand passionné et expert des comportements et du langage affectif des enfants et des adolescents mentionne :

« Depuis notre plus tendre enfance, on nous pousse à vivre en dehors du moment présent. On finit par vivre dans le passé, par nostalgie et surtout par peur du futur. On réagit avec nos mécanismes de défense pour essayer de ne plus se sentir en danger. Quelque part, c’est le royaume du Petit Roi de Jean-Pierre Ferland ou de Pensouillard du docteur Serge Marquis. Or, cette posture émotionnelle est à la source de bien des difficultés : réaction protectrice, charge mentale, conflit, lutte de pouvoir. Pourtant, combien d’entre nous n’aspirent-ils pas à développer leur compassion et leur bienveillance pour créer un environnement familial, scolaire ou professionnel plus serein? »

Le Dr Joël Monzée poursuit en partageant avec nous trois moyens pour développer l’art d’accompagner les enfants et les adolescents avec bienveillance :

1 – Une lente maturation

« Bien sûr, il faut tenir compte des erreurs du passé, anticiper et planifier pour éviter de faire des choix risqués. Et si, toutefois, nous choisissions de vivre dans le présent sans oublier notre part de responsabilité dans tout ce qui se passe à chaque instant?

Les émotions font partie de l’expérience humaine. Si les enfants disposent de cinq émotions de base, elles s’étoffent et s’articulent toutes autour d’une modification de notre état physique autant que de nos affects. Chaque grande crise de la vie est une invitation à plus de profondeur et de nuances tant de nos pensées et de nos sentiments que de nos ressources, dont celle de vivre dans le moment présent.

Étonnamment, il faut près de 40 à 45 ans pour que le cerveau atteigne sa pleine maturité. Or, les parties les plus lentes à développer leur potentiel sont celles les plus utiles pour bien gérer le stress et l’anxiété qui en découle. Comme la vitesse à vélo, trop ou trop peu est dangereux. On crée une zone de confort qu’on élargit au fil de l’expérience, ce qui nous permet de profiter d’une balade à bicyclette, comme de la Vie.

2- Le bonheur serein

Récemment, Lauri Nummenmaa a demandé à 701 sujets de visionner des séquences de film et des photos, puis de décrire ce qu’ils ressentent sur le plan affectif, comme corporel. Il a ainsi dégagé la première carte psychocorporelle des émotions.

Si la dépression laisse bien peu de vitalité dans le corps, on voit que l’amour et la colère créent de vives sensations dans le haut du corps. La peine tient essentiellement dans un mélange d’absence de vitalité corporelle, mais une forte charge émotionnelle au niveau du cœur.

Curieusement, l’émotion qui induit le plus de sensations psychocorporelles est l’expérience du bonheur serein. Plus puissant que la joie, ce sentiment profond induit une grande vitalité dans tout le corps. Et là où cela nous est essentiel, c’est que ces sensations vont aller tempérer l’activité du détecteur de danger pour favoriser les stratégies bienveillantes de l’intervention disciplinaire ou pédagogique.

La joie est l’un des aspects du bonheur serein. Si elle est seule, elle peut concentrer la vitalité dans le haut du corps et nous couper de notre enracinement dans le bassin. La conscience de nos deux pieds sur terre fait partie de la solution. La confiance dans le processus de la vie en est un autre. Le lâcher-prise fait en sorte qu’on ne s’attache pas au résultat de nos actions les plus essentielles. On est là, présent.

Il est utile de se créer des ancrages. De déterminer un espace dans la maison ou dans l’espace de travail dans lequel on se sent en sécurité. D’afficher une toile ou d’écouter une musique qui contribuera à ressentir pleinement le bonheur. Cela nous demande simplement d’être présent, attentif et bienveillant.

3- Une attitude bienveillante

Quelque part, notre qualité de présence est un cadeau offert aux personnes qui nous entourent, des jeunes enfants aux collègues, du conjoint à la personne inconnue qu’on croise au détour d’un chemin. La présence, c’est aussi et surtout le plus beau cadeau qu’on peut s’offrir.

En effet, elle nous permet de sentir les risques ou les débuts d’une fragmentation pour mettre en place les stratégies nécessaires pour éviter que nos mécanismes de défense ne prennent le contrôle de notre vie. Elle nous permet de réactiver nos ancrages de sérénité et de raviver notre vitalité pour signaler au détecteur de danger qu’on se sent peut-être vulnérable, mais que la menace n’est pas si grave que cela.

On oppose souvent la bienveillance à la fermeté. Comme s’il nous était quasi impossible d’user de ces deux outils d’intervention quand une situation problématique se présente. La bienveillance, c’est notre posture de compassion associée à ce sentiment de bonheur profond qui module le détecteur de danger pour éviter qu’il ne déclenche nos mécanismes de défense.

En fait, la manière dont je comprends et utilise la bienveillance, cela implique l’affirmation de soi, mais dans un certain lâcher-prise. C’est une posture affective efficace qui nous permet de donner le meilleur de nous lors d’une intervention, que ce soit une aide ponctuelle ou régulière, que ce soit le rappel des consignes ou une stratégie disciplinaire. On maintient la compassion, tout en exprimant des limites claires et respectueuses des uns et des autres.

En ce sens, la fermeté va de pair avec la bienveillance… En utilisant notre présence bienveillante, nous disposons d’une attitude aussi humble que respectueuse pour intervenir, pour enseigner, pour échanger, pour guider, pour écouter, pour accompagner…

Somme toute, le problème n’est plus un problème si nous utilisons notre présence et notre compassion tant envers nous-même qu’envers les autres, car toute situation – heureuse ou compliquée – est une invitation à offrir le meilleur de nous-même. »

***

Ce fut un moment de bonheur serein que d’échanger avec ce grand passionné des neurosciences, cet homme aux mille et une connaissances qui touche profondément notre âme par sa présence et sa bienveillance.

Pour développer une présence bienveillante et acquérir des outils pour accompagner les jeunes, les prochains ateliers de Joël Monzée au Monastère des Augustines aurons lieux les 4 et 5 mai 2018 (atelier pour tous) et le 6 mai 2018 (atelier pour professionnels).  

Propos récoltés par Imane Lahlou, Dre en sciences des aliments et naturopathe