Une loterie comme source de financement

8 octobre 2019

En juillet 2019, Le Monastère des Augustines a inauguré sa première Loto-répits, une loterie créée au profit de son programme de répit pour les proches aidants. L’usage d’une loterie comme source de financement peut paraître surprenant, mais il s’agit pourtant d’une pratique relativement ancienne. Les Augustines l’ont d’ailleurs déjà utilisée par le passé, notamment en 1871, pour soutenir la fondation de l’Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur, à Québec. Un exemple de loterie plus récent est lié à la Maison Catherine de Longpré, centre de soins palliatifs cofondé par les Augustines de Saint-Georges. Voyons tout d’abord la petite histoire de cet organisme, puis la pertinence de la loterie dans sa fondation et sa gestion.

L’Hôtel-Dieu de Saint-Georges de Beauce, après 1954. Les Augustines de Saint-Georges on joué un rôle central dans la fondation et l’administration de la Maison Catherine de Longpré.
© Archives du Monastère des Augustines

La Maison Catherine de Longpré

Au début des années 1980, Cyprienne Morissette eut la volonté de créer, dans la région de Beauce, un service similaire à celui de la Maison Michel-Sarrazin, à Québec, dont la mission était d’offrir des soins palliatifs pour malades atteints de cancer. Il est important de préciser, au passage, que les soins palliatifs sont une création assez récente en Occident. Au Québec, on parle des années 1970 seulement[1]. Dès lors, l’intention de Mme Morissette s’inscrivait à même un courant de pensée assez récent.

Mme Morissette fut rapidement contactée par la pharmacienne Louise Sévigny, le chirurgien Denis Breton ainsi que sœur Gertrude Lortie – alors supérieure des Augustines de Saint-Georges –, qui œuvraient déjà auprès de personnes atteintes de cancer. Ensemble, le groupe travailla à la réalisation du projet qui prit pour nom la Maison Catherine de Longpré, en hommage à l’augustine de l’Hôtel-Dieu de Québec Catherine de Saint-Augustin (1632-1668), née Catherine de Longpré.

Sœur Gertrude Lortie assise au jardin
Sœur Gertrude Lortie de la communauté de Saint-Georges, en 1984.
Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec
© Archives du Monastère des Augustines

Assurer une fin de vie de qualité

Au départ, la mission du projet était de mettre sur pied un réseau de soins pour des mourants ou des malades atteints de cancer, et ce, que cela soit à la future Maison Catherine de Longpré ou à domicile. Le souhait était de former une équipe multidisciplinaire, composée de professionnels du milieu de la santé, de bénévoles, de travailleurs sociaux, d’agents de pastorale, etc. L’objectif était de contrôler la douleur, de lutter contre la solitude, d’améliorer la qualité de vie et d’accompagner le patient et sa famille dans le processus de fin de vie.

De nos jours, la mission de la Maison s’est élargie sans s’éloigner des premières intentions de Mme Morissette et de ses partenaires. Comme on peut le lire sur le site Internet de l’organisme, « Notre mission: Assurer à des personnes en fin de vie et à leurs proches la meilleure qualité de vie possible comme s’ils étaient dans l’ambiance chaleureuse de leur maison ». Un bel exemple d’hospitalité digne des Augustines. Par ailleurs, quel est le rôle des Augustines dans l’élaboration d’un tel projet?

Extraits des objectifs recherchés dans un document de projet
Ces objectifs sont tirés d’un document de projet de la Maison Catherine de Longpré, avant son ouverture. Vraisemblablement écrits entre 1983 et 1985. Le document complet est disponible en cliquant ici.
Fonds Maison Catherine de Longpré (HDB-B1-F5,4_4)
© Archives du Monastère des Augustines

L’apport des Augustines de Saint-Georges

La communauté des Augustines de Saint-Georges, en Beauce, joua un rôle très important à la mise sur pied et au fonctionnement des premières années. Bénévoles, elles ont travaillé à l’administration et aux soins des personnes hébergées. Elles ont d’ailleurs loué une partie de leur monastère et assuré les frais d’exploitation jusqu’en 1995, année où la Fondation Catherine de Longpré a acheté les bâtiments et le terrain.

Considérant que la communauté ne compta que huit religieuses dans les années 1980, leur monastère s’avérait beaucoup trop grand pour leur besoin réel. Un étage complet de leur maison fut donc loué à la Fondation au coût symbolique de 1$. Dans un document de projet, daté de juin 1986, le coût des travaux d’aménagement était estimé à 250 000$[2]. Cela explique déjà un grand besoin de financement. En fait, comme organisme privé, la Maison Catherine de Longpré ne put vraisemblablement bénéficier de financements publics, excluant peut-être une subvention de démarrage. Il fut donc nécessaire, pour appuyer financièrement les Augustines et la Fondation, de trouver des sources de revenus viables. L’organisme en devenir se tourna vers la générosité de la population locale.

Lettre demandant du financement
Lettre demandant du financement pour la fondation de la Maison Catherine de Longpré, ainsi que la transformation d’un étage complet du monastère des Augustines de Saint-Georges, en Beauce. Le destinataire de cette lettre est inconnue.
Fonds Maison Catherine de Longpré (HDB-B1-F5,4:3)
© Archives du Monastère des Augustines

En quête de financement

Lorsque le projet était embryonnaire, l’idée d’une souscription publique fut soumise. Un radiothon figure comme exemple d’activité de financement. En 1988, une campagne de souscription fut organisée sous le nom de « La Grande corvée », avec deux millions de dollars comme objectif[3]. Grâce à plus de 1000 bénévoles-solliciteurs, un total de 2 108 044$ fut amassé en six mois. Un montant visiblement adéquat pour démarrer la Maison Catherine de Longpré, dont l’ouverture officielle eut lieu en novembre 1989.

Malgré le succès de « La Grande corvée », il fut nécessaire d’organiser d’autres actions de financement récurrent. D’où l’idée de créer une loterie annuelle. La première édition eut lieu en 1991 et, depuis, il s’agit de l’activité principale de financement de la Maison. Dans un document de prévisions budgétaires pour les années 1992-1995, on peut lire que l’objectif de la loterie était de récolter 25 000$ par année. À titre de comparaison, il était prévu que les Augustines donnent annuellement 40 000$. Ces revenus étaient nécessaires, puisqu’en moyenne, les dépenses en matière de soins de santé, de médicaments et de frais administratifs étaient estimées à environ 325 600 $ par année.

Finalement, les objectifs financiers durent être revus à la hausse. En 1993, l’objectif de la loterie a plus que doublé. Sœur Gertrude Lortie, présidente de la Maison, écrivit dans un communiqué que l’objectif était de 55 000$, indiquant que « Cette loterie a pour but de combler le manque à gagner causé par la présente récession [économique]. Elle assurera, à long terme, les fonds nécessaires à l’administration de la Maison. » Quelque 11 000 billets furent en circulation dans les 50 paroisses qui formaient alors le territoire de Beauce-Appalaches.

Il semble que la population régionale n’ait jamais cessé de répondre positivement à l’appel au don. Par exemple, en 1995, la loterie a rapporté 73 000$. Vingt-trois ans plus tard, en 2018, la loterie permit d’amasser 389 036$. L’objectif de 2019 est de 385 000$, ce qui représente 27% du budget de fonctionnement de l’organisme. Nous pouvons conclure que l’usage d’une loterie est évidemment une excellente façon de financer des œuvres sociales.

Billet de tirage pour l’édition 1993 de la loterie de la Maison Catherine de Longpré
Fonds Maison Catherine de Longpré (HDB-B1-F5,4:4)
© Archives du Monastère des Augustines

L’auteur remercie l’équipe du Centre d’archives du Monastère pour leur appuie dans la réalisation de cette recherche: Sara Bélanger, Annie Labrecque, Chantal Lacombe et Audrey Julien.

Hugues St-Pierre


[1] La particularité des soins palliatifs tient dans son fondement du « prendre soin ». Si les soins hospitaliers réguliers relèvent normalement du curatif, c’est-à-dire que l’on souhaite de confronter ou, du moins, d’empêcher la mort, les soins palliatifs relèvent plutôt de l’accompagnement dans la maladie ou à la mort.

[2] Sans auteur, Projet. Résidence Catherine de Longpré. Juin 1986. HDB1-F5/4 :1.

[3] Maison Catherine de Longpré, « Historique » [En ligne] (Consulté le 3 octobre 2019).